En 1669, quand Cavelier de La Salle part découvrir le passage vers la Chine, il vend ses terres pour financer son périple. Les riches marchands Jacques Le Ber et Charles Le Moyne lui achètent 120 arpents, stratégiquement situés. Ils y font construire ce bâtiment afin qu’il serve de poste de traite pour le commerce de la fourrure. Cette maison connaîtra une histoire mouvementée. Elle a subi de nombreuses transformations, mais une fois convertie en musée, elle sera restaurée et reviendra à son apparence première. La maison… le fleuve… comme il y a près de 350 ans.
Le commerce de la fourrure et la Maison Le Ber-Le Moyne
Jacques Le Ber et Charles Le Moyne font construire cette maison de pierre entre 1669 et 1671. Ils ne l'habitent pas eux-mêmes mais elle abrite leurs employés. La maison sert pour le commerce de la fourrure, notamment pour l’entreposage. Bien en vue sur un promontoire, accessible par la terre ferme, ce poste constitue un lieu d’arrêt obligé entre Ville-Marie (Montréal) et les Pays d’en Haut. Pour éviter l’impétuosité des rapides de Lachine, on y charge de marchandises les canots en partance pour les Grands Lacs et on y décharge ceux qui en reviennent remplis de fourrures. La maison est un poste de ravitaillement et un lieu d’échanges.
Une première famille s’installe
En 1687, la veuve de Charles Le Moyne, Catherine Primot, et Jacques Le Ber revendent le lot de terre et la maison à François Guillemot dit Lalande. Ce dernier, qui occupe déjà la maison, avait sans doute l’intention d’en faire une auberge et de cultiver la terre de cet immense terrain. Le massacre de Lachine en 1689 en décide autrement. Guillemot retourne à Montréal.
La famille de Lorimier, Marguerite Chorel de Saint-Romain, propriétaire
Après une période d’abandon, la maison est acquise par François Chorel de Saint-Romain pour sa fille Marguerite. En janvier 1695, cette dernière s’y installe avec son époux Guillaume de Lorimier. Le couple a l’intention de vivre de la terre qui s’étend derrière la maison sur plusieurs arpents, dont une partie est encore en forêt. La maison appartient à Marguerite Chorel de Saint-Romain. La famille de Lorimier, leurs enfants et leurs petits-enfants vont marquer le site jusqu’au moment de la conquête de la colonie par les Anglais.
Les enfants de Lorimier
Marguerite Chorel de Saint-Romain devient veuve en 1709. En 1730, elle fait un premier partage de la terre avec son fils Claude Nicolas Guillaume de Lorimier, officier militaire, dont la famille compte dix enfants, puis un second partage en 1736, avec sa fille Marie-Jeanne de Lorimier.
Lachine : lieu de passage et de commerce
En 1765, Hugh Heney se porte acquéreur de la maison. Il fait construire, non loin de là, une auberge qu’il opère lui-même en plus d’un magasin général. Ses activités commerciales bénéficient du rétablissement de la traite de la fourrure; Heney entrepose les marchandises et les fourrures des marchands-voyageurs. Il entreprend des rénovations majeures à la maison, qui seront effectuées en 1768 par Jean-Baptiste Crête, soit la réparation et la modification des foyers existants et l’ajout d’un nouveau.
Des familles britanniques bien nanties
En 1803, après un long imbroglio juridique, la maison et la ferme deviennent la propriété de Donald Grant, marchand de fourrures associé à la Compagnie du Nord-Ouest. Il voyage fréquemment dans les Pays d’en Haut et c’est son frère John qui gère ses biens en son absence.
Les travaux de creusage du canal vont tronquer les terres où se situe la Maison Le Ber-Le Moyne. La propriété est également traversée par le chemin public de la Reine (Haut chemin de Lachine) et le chemin du bas de Lachine, au sud duquel se trouve une maison servant d’école. John Grant acquiert une partie de cette terre en 1812 puis en devient l’unique propriétaire. La ferme est revendue à William MacDonald en 1842.
Une résidence de villégiature
Au 19ᵉ siècle, la maison devient une résidence secondaire, un lieu de villégiature. Le déplacement des activités commerciales et industrielles vers l’ouest ainsi que le morcellement de la terre isolent cette propriété rurale, placée désormais aux limites du village. Le colonel Wilgress, militaire à la retraite, a d’abord acquis une terre située à l’est de l’ancienne propriété des Le Ber et Le Moyne. En 1844, au moment où il achète cette dernière, une partie en est toujours occupée par les baraques utilisées lors des travaux de creusage du canal. Une serre est aménagée du côté est de la maison.
En 1901, la maison, propriété des Wilgress, est vendue à William Currie. Elle est alors considérée par son propriétaire comme une résidence d’été. Les sœurs de Currie, qui héritent de la maison en 1924, la vendent à Karl Gsell en 1941.
(Texte tiré de l'exposition de la Maison Le Ber-Le Moyne, rédigé par Dominique Chalifoux)