L'auberge Heney est probablement le plus ancien bâtiment construit pour servir d’hôtel dans l'île de Montréal.
Reliée à Caughnawaga (Kahnawake) par un traversier, elle était fréquentée par les explorateurs, les militaires, les commerçants et les marchands de fourrure en route vers le Haut-Canada.
L'auberge Heney a brièvement été occupée par les troupes américaines du général Benedict Arnold au printemps de 1776. Selon un inventaire daté de novembre 1781, la propriété comprenait également, outre le bâtiment principal, deux hangars, un magasin et une poudrière.
Hugh Heney
Hugh Heney était aubergiste à Lachine. Ses deux propriétés, l’auberge dite Heney's Inn et la Maison Le Ber-Le Moyne, subsistent toujours; la première est aujourd’hui une maison privée tandis que l’autre est devenue le Musée de Lachine.
On connaît peu de choses des origines de Heney, sinon qu'il était Irlandais et protestant. Il fut sans doute un de ces ex-soldats qui, au lendemain de la Conquête, devinrent aubergistes. Ces tenanciers devaient montrer patte blanche, car les autorités avaient établi une stricte réglementation afin d’assurer la respectabilité de ces lieux fréquentés surtout par les officiers, les marchands et les administrateurs britanniques – souvent des hommes seuls, célibataires ou provisoirement séparés de leurs familles.
L'ascension sociale des Heney, amorcée par le mariage de Hugh avec une demoiselle LePailleur, allait se poursuivre au cours des générations suivantes par de solides alliances avec d'importantes familles de notables, politiciens, juristes, négociants, surtout canadiens-français.
Régime britannique
En ces premières années du Régime britannique, il y a peu de familles anglophones au Canada, donc peu de filles à marier. C'est peut-être pourquoi des célibataires comme Hugh Heney contractent mariage avec des Canadiennes, souvent filles ou veuves de seigneurs ou de négociants. Son épouse Madeleine, fille du marchand Charles-René LePailleur et de Madeleine Normand, descend du notaire royal Michel LePailleur; elle est aussi apparentée aux de Lorimier, une importante famille de Lachine qui compte de nombreux officiers, des administrateurs, des négociants… et plus tard des Patriotes.
Vers l’Outaouais et les Grands Lacs
Lachine est alors le point d’embarquement des expéditions à destination de l’Outaouais et des Grands Lacs. Dès son arrivée à Lachine, Heney achète une partie de la propriété de Louis Cuillerier dit Ribercourt, située sur le bord du fleuve. Ayant pris possession des lieux le 1ᵉʳ juin 1765, Heney y fait construire une grande maison de pierre à deux étages et, le 20 juillet, il obtient un permis d’auberge. En peu de temps il étend ses activités, ouvre un magasin et devient rapidement « le seul capable de recevoir les voyageurs et les équipeurs des pays d'en haut ».
Permis d’opération pour traversier
De son côté, le 31 mai 1766, son voisin Louis Cuillerier reçoit un permis pour opérer un traversier reliant Lachine au village amérindien de Kahnawake. La façade de l’auberge donnait alors directement sur le fleuve, ce qui devait être fort pratique pour les voyageurs qui trouvaient en un même endroit, le gîte, le couvert, l’embarquement et l’entreposage.
Lieux stratégiques par excellence, l’auberge et la traverse furent même réquisitionnées et occupées par l’armée yankee en 1776, pendant la première phase de la guerre de l’Indépendance américaine (1775-1783) marquée par l’invasion du Canada (1775-1776).